Exposition passée

Du samedi 25 juin au samedi 31 décembre 2022

Mathurin Méheut, le plus populaire – en Bretagne – des artistes bretons, effectue toute sa carrière à Paris où il élit domicile dès 1902, à l’âge de vingt ans. Les deux grandes expositions qui le font accéder à la célébrité, en 1913 puis 1921, au musée des Arts décoratifs, résultent de séjours à Roscoff (1910-1912) puis à Penmarc’h (1919-1920). Méheut s’impose alors comme le peintre de la Bretagne, celle des activités rurales et maritimes, du labeur et des gestes de l’artisanat, mais aussi des fêtes religieuses et profanes. Auteur par ailleurs de décors aux sujets éclectiques pour les navires des compagnies maritimes, et de planches naturalistes célébrant le règne végétal, il nourrit une production foisonnante dans les domaines de la céramique et du livre illustré, nourrie de ses séjours répétés, chaque année, dans sa région natale. En effet, il arpente une Bretagne en pleine mutation, dont il observe la diversité naturelle et culturelle. Sa prédilection pour un Finistère aux paysages plus âpres et aux costumes chatoyants n’exclut pas des explorations qui le conduisent des marais salants de Guérande à la baie du Mont-Saint-Michel. De ses innombrables croquis réalisés avec virtuosité, il tire des compositions d’une modernité mesurée, qui donnent à son œuvre une dimension de témoignage. Avant tout peintre de la réalité, il s’autorise cependant quelques exceptionnelles incursions dans l’imaginaire.

 

Méheut : aux origines de sa popularité

La popularité actuelle de Mathurin Méheut tient aux nombreuses expositions et publications qui lui ont été consacrées depuis sa mort. Mais dès l’entre-deux guerres, sa notoriété s’établit grâce au succès des livres et articles de revues dont il avait assuré l’illustration : d’une part, de grands recueils illustrés de planches naturalistes, consacrés à la faune et à la flore, à la mer ou à la forêt et d’autre part, une trentaine de romans, d’essais ou d’ouvrages en rapport avec la Bretagne. Né à Lamballe, formé aux Beaux-Arts de Rennes, puis à Paris à l’Ecole Supérieure des Arts Décoratifs, le Haut-Breton se voit confier en 1910 Étude de la mer. Flore et faune de la Manche et de l’Océan qui occasionne un séjour de deux années à Roscoff.
Lors de sa première grande exposition en 1913 au pavillon de Marsan (musée des Arts décoratifs, à Paris), il manifeste des ambitions et des qualités de décorateur qui lui valent par la suite d’importantes commandes pour des édifices privés et publics, de Paris à Rennes en passant par Pittsburgh, et pour une trentaine de navires pour lesquels il peint plus de cent panneaux. Mais cette première présentation parisienne de son œuvre comporte à la fois un bilan de son travail de dessinateur naturaliste effectué pour la Librairie centrale des beaux-arts, éditrice des Études d’animaux (1911) comme d’ Étude de la mer (1913), et de ses recherches personnelles regroupées sous les intitulés « Études de scènes et de types bretons » ou encore « Vieux métiers bretons » : cent trente œuvres résultant du séjour roscovite et d’un début d’exploration du Finistère ayant pour sujet la Bretagne.

 

 

Méheut, expérimentateur prolifique

La première guerre mondiale révèle « l’artiste combattant » et écourte le voyage autour du monde (Hawaï, Japon) facilité par une bourse du mécène Albert Kahn, mais éloigne Méheut de son terroir natal durant six années terribles. Il lui faut renaître, se ressourcer. Il passe l’hiver 1919-1920 en famille en Pays bigouden, prenant contact avec le faïencier de Quimper Joseph Henriot, expérimentant de nouvelles techniques comme la linogravure, découvrant des motifs inédits. Ce deuxième séjour finistérien initie la matrice de l’œuvre bretonne à venir. La seconde exposition parisienne de Méheut au pavillon de Marsan, en 1921, comporte à la fois une rétrospective des études naturalistes, des dessins de guerre, des œuvres issues des séjours à Hawaï et au Japon, et une présentation des travaux récents inspirés par la Bretagne : estampes, céramiques et plus
d’une centaine de gouaches, de dessins aquarellés et d’ambitieux panneaux peints à la caséine. Elle inaugure trois décennies d’activité artistique débordante au cours desquelles il occupe une place centrale et singulière d’illustrateur de la Bretagne.

Définitivement installé à Paris, il se fait construire une maison-atelier en 1924 et enseigne aux écoles Boulle et Estienne au lendemain de la Grande Guerre. Il voyage au gré des commandes, aux États-Unis ou en Crète, en Sologne ou sur la Côte d’Azur, à La Ciotat ou dans la Sarre. Il effectue des séjours de plusieurs semaines ou quelques jours, en Bretagne, soit pour y travailler chez Henriot à Quimper, où sa fille Marguerite (1908-1992) s’établit, soit pour y engranger d’innombrables dessins, qu’il appelle ses « documents », en vue de travaux d’illustration, de décoration, de céramique, de gravure ou de sculpture. Cette quête est guidée, soit par les projets que lui confient des éditeurs (qui le conduisent à la pointe du Raz en 1923, en Brière en 1924, à Brest en 1928, à Ouessant en 1934, à Paimpol et Saint-Malo en 1935…), soit par une recherche systématique de sujets qu’il affectionne : l’animation des ports de Cornouaille, la foule des pardons, des foires et des marchés, les costumes des jours de fête et de la vie quotidienne, les gestes des artisans au travail… deviennent des objets d’enquête et parfois de reportage, dans une démarche oscillant entre la notation quasi-ethnographique et la composition esthétique.

 

Méheut, arpenteur et témoin

Par la formation reçue dans le domaine des arts décoratifs comme par sa pratique de dessinateur naturaliste, Mathurin Méheut s’est tenu à l’écart des courants de l’avant-garde artistique du début du siècle (cubisme, fauvisme, …). Prenant part aux grandes manifestations culturelles de l’entre-deux-guerres à Paris (Exposition des Arts décoratifs en 1925, Exposition coloniale en 1931, Exposition des arts et techniques dans la vie moderne en 1937), il s’inscrit dans un mouvement de la modernité figurative qui ne cède jamais à la tentation de l’abstraction. Peintre d’une réalité singulière, celle de sa région natale, il échappe tout autant à la banalité des recettes d’une peinture traditionaliste qu’il côtoie dans quelques Salons classiques. Ses compositions, d’une modernité mesurée, et sa touche, comme son trait, témoignent avant tout d’une recherche de l’efficacité du témoignage. Portant sur la diversité des activités et des situations un regard sans cesse émerveillé et curieux, Méheut capte en Bretagne les images d’un monde rural et littoral en pleine transformation. La conscience aiguë des mutations de la société qui l’a vu naître et son talent d’observateur font de lui le précieux témoin des travaux de la terre, des métiers de la mer et d’un artisanat déclinant, mais aussi des fêtes religieuses et profanes dont il tient la chronique sans tomber dans la « bretonnerie » qui, dans la première moitié du XXe siècle a pu prolonger les stéréotypes académiques du siècle précédent.

 

Méheut et son fulgurant coup de crayon

Méheut se distingue de la plupart des artistes qui ont peint la Bretagne et peint en Bretagne au cours de la première moitié du XXe siècle, en ce qu’il est moins peintre que dessinateur. C’est l’efficacité de son fulgurant coup de crayon, allant à l’essentiel, qui est au cœur de sa démarche créatrice, qui se décline dans de multiples formes et techniques.

L’exposition du Musée de Pont-Aven retraçait le cheminement de l’artiste depuis sa vision naturaliste des débuts roscovites (faune et flore marine) à la singularité des silhouettes (l’éloge du geste), en passant par la qualité des paysages (presque toujours animés), l’âpreté des travaux de la terre et de la mer, l’animation des villes, des ports et des pardons, la diversité des guises et des modes vestimentaires.