Exposition passée

Du samedi 30 juin 2018 au dimanche 06 janvier 2019

Icône de l’histoire de l’art et œuvre manifeste du synthétisme mis au point à Pont-Aven autour de 1888, Le Talisman a été très peu étudié, et sa légende a éclipsé la vérité. Organisée en partenariat avec le musée d’Orsay, l’exposition-événement marquait le retour du tableau dans la petite ville bretonne où il a été peint, le replaçait dans le contexte particulier de sa création, et faisait le point sur les dernières analyses scientifiques menées par le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF). L’objectif ? Redécouvrir l’œuvre, et tordre le cou aux idées reçues !

 

Au cœur du paysage

Il y a assurément un avant et un après “Talisman”, même si Paul Sérusier ne pouvait imaginer le retentissement qu’aurait son petit tableau, pochade peinte dans un coin de verdure du Bois d’Amour, au-dessus du village de Pont-Aven. C’est ce que s’attachait à montrer l’exposition, qui réunissait environ quatre-vingt œuvres de Paul Gauguin, Émile Bernard, Maurice Denis, Édouard Vuillard, Georges Lacombe, Ker-Xavier Roussel, Charles Filiger… réalisées entre les années 1880 et le début du XXe siècle. Toutes montrent à quel point les paysages bretons ont joué un rôle de premier plan dans le basculement de la peinture postimpressionniste vers la modernité la plus audacieuse et la plus radicale. Certes, les peintres de l’école de Pont-Aven se sont intéressés à la vie quotidienne, à la population locale, aux traditions bretonnes, mais dans une moindre mesure. Leur vraie préoccupation est cette nature aux couleurs et à la lumière toujours changeantes, qui est bien souvent le seul et unique sujet du tableau. Ce n’est pas un hasard si le manifeste du synthétisme est un paysage. Le Talisman n’est rien d’autre que le résultat d’une nouvelle manière de regarder les choses, sans chercher à les représenter telles qu’elles sont, mais comme l’artiste les voit, en privilégiant la perception visuelle à l’exactitude du rendu.

 

Sur les pas des peintres

Il est extrêmement rare d’avoir la chance de pouvoir aller découvrir, juste après la visite d’une exposition, les lieux qui ont inspiré les tableaux accrochés aux cimaises. C’est l’une des grandes forces du Musée de Pont-Aven. D’autant que le paysage alentour a peu changé. Le musée est installé dans l’ancienne annexe de l’hôtel Julia qui accueillit les peintres au tournant du XIXe et du XXe siècles, le port et les bords de l’Aven sont tels que les a peints Gauguin, et juste au-dessus de la ville, le Bois d’Amour où Sérusier a peint Le Talisman reste un délicieux endroit propice à la promenade et à la rêverie (comme l’a peint Émile Bernard dans Madeleine au Bois d’Amour, en 1888). Quant à la chapelle de Trémalo, dissimulée à l’ombre des hêtres et des chênes centenaires, elle abrite toujours le Christ jaune en bois polychrome qui inspira à Gauguin l’un de ses plus grands chefs-d’œuvre (conservé aux États-Unis, à Buffalo). Les peintres de l’école de Pont-Aven ont également arpenté les environs, et immortalisé la campagne et les bords de mer autour du Pouldu (La Barrière fleurie ou Les Blés verts de Sérusier, Paysage rocheux de Filiger) ou de Concarneau, situés à quelques kilomètres seulement. L’exposition était donc également un formidable point de départ pour rayonner et visiter la région…

 

"Le Talisman", peindre ce que l’on voit

Les mots prononcés par Paul Gauguin à Paul Sérusier – et rapportés plus tard par Maurice Denis – lors d’une séance de peinture au Bois d’Amour en octobre 1888 sont célèbres. “Comment voyez-vous ces arbres ? Ils sont jaunes. Eh bien, mettez du jaune ; cette ombre, plutôt bleue, peignez-la avec de l’outremer pur ; ces feuilles rouges ? Mettez du vermillon”, lui aurait-il dit face au paysage. Suivant les conseils de son ami, Sérusier réalise alors sur le motif une esquisse qui fait fi de la perspective traditionnelle, construisant son image par la juxtaposition de couleurs franches. À mille lieues de toute préoccupation d’ordre réaliste, le peintre parvient néanmoins à rendre identifiables les principaux éléments du paysage représenté : le bois en haut à gauche, le petit chemin, les hêtres alignés au bord de la rivière et le moulin, en haut à droite de la composition.

 

Au-delà de la légende

Outre le fait de présenter le précieux tableau sur les lieux mêmes où il a été peint, l’objectif de cette exposition était aussi de rendre compte des toutes dernières études scientifiques menées sur l’œuvre et sa matérialité. Le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF) a été mis à contribution pour analyser, pour la première fois, le support du tableau. Premier constat, il ne s’agit en aucun cas d’un couvercle de boîte à cigares, comme on l’a très longtemps pensé. L’étude a confirmé qu’il s’agissait d’un panneau de bois traditionnel, couramment utilisé pour les esquisses en plein air. L’analyse des pigments et de leur application a montré qu’il n’y avait pas eu de préparation du support. Cela confirme le caractère spontané de l’œuvre, qui a bien été réalisée in situ. Ensuite, l’histoire de la postérité du tableau reste floue. On ignore encore à quelle date Maurice Denis a acquis l’œuvre. Mais certainement pas au moment de la mort de Sérusier. Il est vraisemblable qu’elle lui ait appartenu très tôt, sans doute autour de 1900. Enfin, il a souvent été dit que Denis n’avait jamais montré Le Talisman de son vivant, ce qui est faux. En 1943, quelques mois avant son décès, l’artiste organise une exposition à la galerie Parvillée, à Paris, et l’œuvre figure alors sur les cimaises.

Enfin, l’exposition évoquait l’histoire de sa réception par les artistes et critiques de son époque, mais aussi la postérité qui a été la sienne dans l’art du XXe siècle. Cette exposition-événement célébrait également l’anniversaire des 130 ans de la création du Talisman à Pont-Aven. L’exposition s’appuyait sur les riches collections d’Orsay liées à l’école de Pont-Aven et aux Nabis en même temps que sur celles du musée de Pont-Aven. Elle intègre aussi des prêts exceptionnels de musées français et de collections particulières.