Informations sur l’exposition

Exposition à venir

Du samedi 27 juin au dimanche 08 novembre 2026

Depuis sa redécouverte dans les années 1980, Camille Claudel a inspiré de grandes expositions monographiques. Sa renommée est aujourd’hui telle qu’elle pourrait laisser croire, à tort, qu’elle était le seul sculpteur femme de son époque. Pourtant, autour de 1900, bien d’autres ont suivi le même chemin qu’elle et se sont illustrées dans le domaine de la sculpture, malgré les obstacles liés à leur condition de femme. Dans le cadre de l’exposition Au temps de Camille Claudel, être sculptrice à Paris, ces sculptrices de premier plan sortent de l’ombre !

Madeleine Jouvray (1862-1935), Danaïde, avant 1935, marbre, H. 19 ; L. 33,2 ; P. 21 cm, collection particulière © musée Camille Claudel, photo Philippe Migeat

Une exposition coproduite par le musée Camille Claudel, le musée des Beaux-Arts de Tours et le musée de Pont-Aven réunit les créations d’une vingtaine d’entre elles : Charlotte Besnard, Marie Cazin, Madeleine Jouvray, mais aussi Jessie Lipscomb, Agnès de Frumerie ou encore Anna Bass, Jane Poupelet et bien d’autres. Françaises ou étrangères, souvent filles ou épouses d’artistes, elles ont été les camarades d’atelier, les amies, ou parfois les rivales de Camille Claudel. Certaines l’ont précédée, d’autres lui ont succédé. Grâce à des prêts nationaux et internationaux, près de 90 objets – sculptures, mais aussi portraits peints, dessinés ou photographiés des sculptrices, ainsi que photographies et correspondances – redonneront vie à l’entourage artistique féminin de Camille Claudel, depuis ses débuts dans le Paris cosmopolite des années 1880 jusqu’à son internement en mars 1913. À quelles formations artistiques les femmes avaient-elles accès en ce tournant du XXᵉ siècle ? Quelles stratégies les sculptrices ont-elles déployées pour se faire une place dans ce milieu dominé par les hommes ? Quelles relations Camille Claudel a-t-elle entretenues avec ses contemporaines ? Et quels rôles occupaient ces artistes au sein de l’atelier d’Auguste Rodin ? Autant de questions éclairées par l’exposition.
Cette exposition a reçu le label « Exposition d’intérêt national » attribué par le ministère de la Culture et bénéficie à ce titre d’un soutien exceptionnel. Elle est présentée successivement au musée Camille Claudel de Nogent-sur-Seine, du 13 septembre 2025 au 4 janvier 2026, puis au musée des Beaux-Arts de Tours, du 31 janvier au 1er juin 2026, et au Musée de Pont-Aven du 27 juin au 8 novembre 2026.

 

Le propos général de l’exposition a été conçu par Anne Rivière, historienne de l’art et spécialiste des femmes sculpteurs, en collaboration avec le musée Camille Claudel. Elle suit les trois phases de l’exposition pour adapter ce synopsis à chaque site. Le choix des œuvres vise à établir, autant que possible, un dialogue entre les œuvres et les représentations de l’artiste dans son atelier (qu’elles soient peintes, dessinées ou photographiées), afin d’illustrer comment les femmes se mettaient en scène et se (re)présentaient dans leur statut d’artiste.

Charlotte Besnard (1860-1936), Madame Aman-Jean, 1902, terre cuite, musée d’Orsay, en dépôt au musée d’art et d’industrie André Diligent - La Piscine de Roubaix © La Piscine de Roubaix, photo Leprince

LES SCULPTRICES AU TOURNANT DU XXE SIÈCLE

Depuis sa redécouverte dans les années 1980, l’œuvre de Camille Claudel a été mise en lumière à travers de nombreuses expositions, donnant l’impression d’un talent isolé, presque miraculeux. Pourtant, dès son arrivée à Paris à l’automne 1880, la jeune Claudel – alors âgée de 16 ans – rejoint une scène artistique déjà marquée par la présence de sculptrices. Pour elles, l’accès à la formation et à la reconnaissance demeurait toutefois difficile. Les stéréotypes liés à la prétendue faiblesse féminine et l’image virile associée à la sculpture ont longtemps été considérés incompatibles. L’exclusion des femmes de l’enseignement artistique, notamment à l’École nationale des Beaux-Arts, ainsi que les contraintes économiques de la sculpture traditionnelle (coût du bronze ou du marbre, recours à des ouvriers) constituaient autant d’obstacles à leur entrée dans cette discipline.

Marie Cazin (1844-1924), Jeunes filles, 1886, plâtre, musée des Beaux-Arts de Tours © musée des Beaux-Arts de Tours, photo D. Couineau

La première section de l’exposition s’attache à celles qui, malgré tout, parviennent à poursuivre leur vocation et à s’imposer sur la scène parisienne, selon des parcours et des stratégies variés. Leurs œuvres sont reçues au Salon et saluées par la critique ; plus rarement, certaines obtiennent des commandes publiques. Marie Cazin (1844-1924), Charlotte Besnard (1854-1931) ou encore Jeanne Itasse (1855-1941) ont ainsi évolué à l’abri de la renommée d’un époux ou d’un père artiste. D’autres, comme Laure Coutan-Montorgueil (1855-1915), issue d’une famille d’artisans, et Marguerite Syamour (1857-1945), élevée dans un milieu intellectuel progressiste, ont connu les difficultés liées à la pratique de la sculpture sans subir d’opposition de leur entourage. Un cas particulièrement remarquable est celui de Blanche Moria (1859-1926), qui, bien que née dans une famille de commerçants, est reconnue comme « artiste-statuaire » à son décès. Toutes appartiennent à cette génération de « travailleuses obscures », selon les mots de la peintre Louise Catherine Breslau (1856-1927).

Jessie LIPSCOMB (1861-1952), Camille Claudel, vers 1883-1886, bronze, collection particulière (c) Arte, photo Karen Bengall

AMIES ET RIVALES : CAMILLE CLAUDEL ET SES CAMARADES D’ATELIERS

La deuxième partie de l’exposition s’ouvre sur une période de compagnonnage artistique entre Camille Claudel et ses contemporaines. En septembre 1880, Claudel s’installe à Paris avec sa famille, d’abord au 135 boulevard du Montparnasse, puis, en 1881, au 111 rue Notre-Dame-des-Champs. Tout près de leur appartement, au 10 rue de la Grande Chaumière, se trouve l’Académie Colarossi, une alternative moderne à l’enseignement traditionnel de l’École nationale des Beaux-Arts. À la fois école privée et atelier libre, l’Académie est réputée pour son enseignement mixte et ses cours de sculpture d’après modèle. Claudel y étudie aux côtés d’autres jeunes artistes femmes, françaises et étrangères, principalement britanniques et scandinaves : Madeleine Jouvray (1862-1935), Jessie Lipscomb (1861-1952), Sigrid af Forselles (1860-1935) ou encore Carolina Benedicks-Bruce (1856-1935).

Victor Pannelier (1840-1915), Camille Claudel et Ghita Theuriet, vers 1882, photographie, musée Camille Claudel

Les ateliers de sculpture sont coûteux et nombreuses sont les artistes à mutualiser leurs espaces de travail, créant ainsi de véritables réseaux de solidarité. Grâce au soutien de son père et associée à certaines de ses camarades de l’Académie, Claudel loue un atelier au 117 rue Notre-Dame-des-Champs. Elle le partage avec Ghita Theuriet (1862-1911), Laetitia von Witzleben (1849-1923) et les sculptrices Sigrid af Forcelles, Madeleine Jouvray et surtout Jessie Lipscomb, qui est même un temps pensionnaire de la famille Claudel. Mathias Morhardt, premier biographe de Claudel, décrit ce lieu comme une « petite colonie d’étudiantes libres des Beaux-Arts », où Claudel fait figure de meneuse. Leur professeur à l’Académie Colarossi, Alfred Boucher – qui connaît Camille Claudel depuis les années nogentaises (1876-1879) – vient une fois par semaine corriger les travaux des jeunes filles, entre 1881 et 1882.

Camille Claudel (1864-1943), Jessie Lipscomb, vers 1883-1886, terre cuite, collection particulière (c) Arte, photo Karen Bengall

Cette colocation d’ateliers permet aux jeunes sculptrices de vivre la « vie de bohême » tout en rassurant leurs familles sur leur choix de carrière. Frères et amis masculins, tels Paul Claudel, visitent souvent ces ateliers, reflétant une dynamique sociale complexe malgré les conventions de l’époque. Des liens forts se nouent entre ces artistes. Il en subsiste aujourd’hui des portraits croisés, présentés en regard dans cette section. Peints ou sculptés, ils ont été réalisés entre elles, à la fois pour pallier le manque de modèles professionnels et témoigner de leur amitié.

Camille Claudel (1864-1943), Louise Claudel, vers 1886, pastel, musée Camille Claudel (c) musée Camille Claudel, photo Christian Moutarde

AUTOUR DE RODIN, ENTRE INFLUENCE ET EMANCIPATION

La troisième séquence de l’exposition aborde les relations des femmes sculpteurs avec Auguste Rodin, entre transmission, influence et désir d’émancipation. A l’automne 1882, lorsque Rodin remplace Alfred Boucher, parti pour Florence, afin de superviser l’atelier de Claudel rue Notre-Dame-des-Champs, il découvre un groupe de jeunes femmes déterminées à se faire reconnaître comme professionnelles et rivalisant pour attirer son attention. Grâce à la commande de La Porte de l’Enfer, Rodin a installé deux ans plus tôt un grand atelier au Dépôt des marbres, qu’il organise comme une entreprise collaborative. Autour de 1884, Claudel rejoint cet atelier comme élève, aux côtés d’autres apprenties sculptrices comme Madeleine Jouvray, Jessie Lipscomb ou, plus tard, Ottilie Maclaren (1875-1947).

Ne se considérant pas comme un professeur au sens traditionnel du terme, Rodin forme « ses élèves » par la pratique. Travaillant côte à côte dans l’atelier, les artistes emploient les mêmes modèles, échangent et se confrontent parfois dans le traitement et la réalisation de sujet semblables. La vie d’atelier et les échanges quotidiens influencent leurs créations. Par exemple, Claudel, Lipscomb et Rodin utilisent le même modèle italien, Giganti, mais leurs interprétations -réunies pour la première fois- diffèrent : Rodin livre une tête stylisée, Claudel redouble d’expressivité, tandis que Lipscomb reste ancrée dans le classicisme.

Madeleine Jouvray devient quant à elle la praticienne de Rodin, taillant plusieurs de ses marbres. Si elle démontre une maîtrise technique certaine, sa production personnelle semble peiner à s’émanciper de l’influence de Rodin, comme en témoigne Douleur d’âme, qui rappelle L’Âge
d’airain. L’écossaise Ottilie Maclaren, qui avait tenté de recevoir les leçons de Camille Claudel, devient l’élève puis la collaboratrice de Rodin entre 1899 et 1901. D’autres encore, comme les Suédoises Agnès de Frumerie (1869-1937) et Ruth Milles (1873-1941), bien qu’elles n’aient pas intégré l’atelier de Rodin, ont évolué dans son entourage et en ont subi l’influence. Autour de Rodin, ces sculptrices empruntent la voie du symbolisme, livrant des représentations sans fard du corps vieillissant, souffrant ou mourant. Sont exposées plusieurs sculptures saisissantes : Clotho de Claudel, La Lutte pour l’existence de Frumerie ou encore Le Livre de la vie, rire et pleurs de Jouvray.

Ottilie Maclaren (1875-1947), F.S. Oliver, bronze, City Art Centre oEdinburgh (Écosse) © The City of Edinburgh Council Museums and Galleries ; City Art Centre, photo Jessie Maucor

APRÈS RODIN, APRÈS CLAUDEL, À L’ÉPREUVE DE LA MODERNITÉ

L’exposition se clôt sur l’« après-Rodin ». Après leur rupture en 1893, Camille Claudel cherche à tout prix à se libérer de l’influence du maître. Dans une lettre à son frère, elle déclare, triomphante : « Tu vois que ce n’est plus du tout du Rodin. » L’atelier devient un espace isolé où Claudel s’inspire uniquement de ses expériences personnelles. Comme le souligne Charles Morice, ses œuvres – L’Âge mûr, Clotho ou sa série de “croquis d’après nature” – « appartiennent en propre à Camille Claudel, personne avant elle n’avait fait cela, personne ne l’a refait après elle », marquant sa place dans cette ère post-rodinienne.

Anna Bass, Torse de femme, Bronze, Paris, Centre Georges Pompidou – musée national d’Art moderne Inv. AM 1369 S/D 994-4-1 En dépôt à La Piscine – musée d’Art et d’Industrie André Diligent, Roubaix, inv. D 994.4.1

Souvent comparées à Camille Claudel par la critique, Anna Bass (1876-1961), Jane Poupelet (1874-1932) et Yvonne Serruys (1873-1953) appartiennent à une nouvelle génération d’artistes qui rejettent l’expressionnisme et le symbolisme rodiniens pour revenir aux formes pleines et à une épure des contours. Poupelet et Serruys figurent ainsi aux côtés de Claudel dans une exposition d’art français organisée à Zurich, en février-mars 1913, au moment même où cette dernière disparaît de la scène artistique après son internement le 10 mars 1913. Bass, Poupelet et Serruys présentent des œuvres qui offrent une certaine parenté avec celles de Claudel – sont par exemple rapprochées des torses de femme par Claudel et par Bass – faisant ainsi le lien entre l’œuvre de cette dernière et la sculpture revivifiée après la Grande Guerre. Elles cherchent à redéfinir les codes de la représentation, en particulier autour du nu féminin. Rejetant l’idéalisation académique, elles adoptent un regard plus direct et intime, qui révèle une sensibilité moderne, comme en témoignent Femme à sa toilette de Poupelet ou Colin Maillard de Serruys. Bien que reconnues de leur vivant, elles seront peu à peu éclipsées par l’émergence des avant-gardes.

FOCUS SUR QUELQUES OEUVRES

Marie Cazin, Jeunes filles ou Jeunesse

La vie et la carrière de Marie Cazin sont assez mal connues et les informations sur l’artiste se glanent au détour des articles consacrés à son mari, Jean-Charles Cazin, considéré comme le « maître » de leur famille d’artistes.

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Camille Claudel, Louise Claudel

Si le pastel représentant Louise Claudel s’inscrit dans la série des portraits des proches de l’artiste, il se singularise par ses dimensions – deux fois plus grandes que celles de ses autres oeuvres graphiques – sa technique et le traitement du dessin.

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Madeleine Jouvray, Danaïde

Vers 1883, Madeleine Jouvray devient élève et praticienne dans l’atelier d’Auguste Rodin. Plusieurs de ses sculptures font directement référence, soit par leurs thèmes, soit par leurs choix formels, aux œuvres de son maître.

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Agnès de Frumerie, La Source d’or ou La Lutte pour l’existence

La Suédoise Agnès de Frumerie, active à Paris entre 1892 et 1934, s’illustre par une production prolifique, notamment dans le domaine de la céramique d’art.

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Jane Poupelet, Imploration

Très célèbre de son vivant, Jane Poupelet fait partie de la « bande à Schnegg » – ce groupe d’artistes qui renouvelle la sculpture en revenant à l’épure et à la simplicité des formes.

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