Anna Boch, un voyage impressionniste
Exposition passée
L’exposition « Anna Boch, un voyage impressionniste » dresse le portrait multiple d’une artiste, mélomane, collectionneuse, mécène, voyageuse et passionnée d’architecture à la personnalité dynamique et avide de découvertes. Elle était la femme artiste la plus en vue de Belgique.
Anna Boch (Saint-Vaast, Belgique, 1848- Ixelles, Belgique, 1936) a en effet mené une vie très indépendante, un choix rendu possible grâce à ses origines sociales et à la bienveillance familiale. Seule femme à avoir adhéré aux cercles artistiques belges Les XX et La Libre Esthétique, animés par son cousin Octave Maus, elle s’y est positionnée – fait rare pour l’époque – d’égale à égale avec ses confrères.
Ensemble, ils se lancent dans l’aventure du néo-impressionnisme, alors incarné par Théo van Rysselberghe, Paul Signac et Georges Seurat. Ses tableaux lumineux illustrent sa recherche du trait et de la couleur. Sa passion de la nature l’a emmenée dans des coins reculés pour capter la beauté des paysages bucoliques. Anna Boch prend résolument toute sa place dans le post-impressionnisme de la fin du XIXe siècle.
Un partenariat inédit avec le Mu.ZEE d'Ostende
C’est une grande première et une chance pour le Musée de Pont-Aven que de s’associer à un musée étranger tel que le Mu.ZEE d’Ostende (Belgique) pour co-organiser cette exposition inédite consacrée à Anna Boch, 175 ans après sa naissance. Partager au-delà des frontières, nos pratiques, nos points de vue et nos compétences est une nécessité pour le dynamisme et l’ouverture d’esprit de nos établissements culturels.
C’est grâce à l’entremise de Virginie Devillez, historienne de l’art et commissaire scientifique de l’exposition, que ce projet commun a pu voir le jour. Elle a brillamment mis en exergue les liens étroits qui pouvaient se tisser entre cette artiste belge, l’histoire artistique de la Bretagne et les enjeux défendus par le Musée de Pont-Aven. L’exposition qui a eu lieu à Ostende de juin à novembre 2023 a connu un très beau succès avec près de 70 000 visiteurs.
Le portrait d'Eugène Boch par Van Gogh exceptionnellement prêté par le musée d'Orsay
Van Gogh et le peintre belge Eugène Boch (1855-1941), frère d’Anna Boch, se rencontrent vers la mi-juin 1888, alors que ce dernier séjourne pour quelques semaines dans une commune toute proche d’Arles. Vers le 8 juillet, Vincent évoque Boch dans une lettre à son frère Théo : « C’est un garçon dont l’extérieur me plaît beaucoup, figure en lame de rasoir, yeux verts avec cela de distinction ».
Le 11 août, une idée a germé dans son esprit : « Je voudrais faire le portrait d’un ami artiste, qui rêve de grands rêves, qui travaille comme un rossignol chante, parce que c’est ainsi sa nature. Cet homme sera blond. Je voudrais mettre dans le tableau mon appréciation, mon amour que j’ai pour lui. Je le peindrai donc tel quel, aussi fidèlement que je pourrai […]. Derrière la tête, au lieu de peindre le mur banal du mesquin appartement, je peins l’infini, je fais un fond simple du bleu le plus riche, le plus intense, que je puisse confectionner, et par cette simple combinaison la tête blonde éclairée sur ce fond bleu riche, obtient un effet mystérieux comme l’étoile dans l’azur profond ».
Deux semaines plus tard, Van Gogh exécute son plan et Boch pose pour lui : « Eh bien, grâce à lui, j’ai enfin une première esquisse de ce tableau, que depuis longtemps je rêve – le Poète. Il me l’a posé. Sa tête fine au regard vert se détache dans mon portrait sur un ciel étoilé outremer profond, le vêtement est un petit veston jaune, un col de toile écrue, une cravate bigarrée ».
Bien qu’il ne la considère que comme une « esquisse », Van Gogh encadre cette œuvre qu’il nomme le Poète. On sait que celle-ci est pendant un temps accroché au mur de sa chambre dans la Maison jaune, puisqu’elle apparaît dans la première version de La Chambre à coucher (Amsterdam, musée Van Gogh). Ce prêt exceptionnel entre dans le cadre de la saison « 150 ans de l’impressionnisme avec le musée d’Orsay (1874-2024) ». A l’occasion du 150e anniversaire de l’impressionnisme, le musée d’Orsay a proposé à plusieurs musées en région de prêter des oeuvres emblématiques de sa prestigieuse collection pour créer une chaîne d’événements et pour dialoguer avec les institutions territoriales intéressées par cette proposition.
Les liens d'Anna et Eugène Boch à Paul Gauguin, Émile Bernard et Maurice Denis
Depuis fin 1879, le frère d’Anna Boch, Eugène, est installé à Paris et y fréquente les ateliers de Léon Bonnat puis Fernand Cormon où il rencontre Émile Bernard. L’amitié profonde de ces deux hommes se traduit par une série de portraits par Bernard, mais aussi par l’achat d’œuvres et le soutien indéfectible des Boch. Ensemble ils découvrent et commentent la vie artistique parisienne, Eugène devenant l’un des premiers témoins de l’éclosion de l’école de Pont-Aven et du synthétisme. Si Anna ne connaît pas personnellement ces artistes, elle est au cœur de leur correspondance et s’intéresse à l’émergence des courants post-impressionnistes.
C’est en mars 1889 qu’Anna réalise, malgré le « ricanement de la foule », un premier achat fondateur : Conversation. Bretagne de Paul Gauguin exposé aux XX. Les relations de la famille Boch avec l’artiste ne s’arrêtent pas là. En 1890, pour l’aider, Eugène Boch achète à très bas prix un lot à partager : « cela fera plaisir je pense, à ce pauvre bougre qui a cependant tant de talent ! J’ai passé en revue aujourd’hui au moins une trentaine de toiles chez Boussod, Valadon & Cie, et j’ai fait avec Bernard le choix de cinq œuvres ». L’une d’elle restera dans la collection d’Eugène Boch, une autre ira directement chez sa sœur Élisa Blondel et une troisième chez Octave Maus.
Émile Bernard, témoin de ces achats des Boch, se plaint d’être constamment dans le besoin et espère à son tour obtenir le soutien de la famille : « Si ta sœur voulait une de mes toiles, tâche qu’elle m’en achète une. Ça […] m’allègerait de grands ennuis ». C’est dans ce contexte tendu financièrement que se situe en 1891 la commande d’un paravent à Bernard qui représente des Bretonnes en activités champêtres. Installé dans son atelier, Anna réalise un paravent en écho : Les Champs, la mer.
Maurice Denis est un incontournable de la collection d’Eugène Boch. En octobre 1903, Anna Boch se rend au Vézinet pour visiter l’église Sainte-Marguerite décorée par Denis. Le projet de décoration par ce dernier du hall d’entrée de la nouvelle maison d’Anna Boch, rue de l’Abbaye à Ixelles ne verra malheureusement pas le jour.
Un attachement prégnant à la Bretagne
L’origine familiale d’Anna Boch lui offre la possibilité de voyager et découvrir l’Europe tout en peignant sur le motif. Sans doute les œuvres de Henry Moret et Émile Bernard qu’elle collectionne et qui ornent les murs de sa demeure l’ont convaincue de partir sur les traces de ces peintres, pour la première fois en 1901 en Finistère Sud.
Les œuvres de Bretagne révèlent son appropriation des techniques néo-impressionnistes et le travail de la lumière. Lors de son premier séjour, c’est le littoral de la Bretagne sud que l’artiste découvre : Bénodet, Quimper. Elle y détecte des sujets pour sa peinture et rapporte plusieurs toiles de la côte aux dimensions importantes. La transparence de l’eau, les rayons du soleil sur la falaise, sur la mer, les ombres offrent de nombreuses possibilités d’étude et de pratique. Alfred Jarry écrit : « Mlle Anna Boch rend avec sûreté l’émotion des côtes de Bretagne ». Elle y croque aussi des dessins pris sur le vif au crayon, certains plus aboutis que d’autres dont sept qu’elle situe à Bénodet. L’artiste et son frère retournent en Bretagne en 1912 avec leur chauffeur. Ils visitent Dinan, Saint-Brieuc, Guingamp, Lannion, Trégastel, Perros-Guirec, Ploumanac’h, Tréguier, Morlaix, Roscoff jusqu’à Carhaix. Cette fois, les cadrages sont plus resserrés ayant toujours pour préoccupation principale le travail de la lumière.
Les musées prêteurs : Musée d’Orsay, musées de Verviers, Mettlack Keramik museum, Fondation Delhaye – Musée Horta Brussel, musée d’Ixelles, musée des Beaux-Arts de Gand, Musée des Beaux-Arts de Charleroi, Musée d’art de la Province de Hainaut, Musée des Beaux-Arts de Tournai, Mudia Redu, Ville de la Louvière, Musée Charlier, Parlement Wallon à Namur, Musée départemental Maurice Denis et Keramis, Centre de la Céramique de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Et de nombreux collectionneurs particuliers.
Commissariat scientifique : Dr Virginie Devillez, historienne de l’art avec l’active participation du Dr Stefan Huygbaert, conservateur au Mu.ZEE et de Sophie Kervran, directrice du Musée de Pont-Aven. Plus de deux ans de recherches préliminaires ont été nécessaires pour réaliser cette exposition.