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En quelques minutes, plongez-vous dans l'univers de l'exposition !
Women among the Nabis. One thing led to another.
Exposition passée
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Le Musée de Pont-Aven est engagé depuis quelques années déjà dans une démarche de valorisation de la place des femmes dans l’histoire de l’art. Défini comme un « musée citoyen » dans le projet de territoire de Concarneau Cornouaille Agglomération (tutelle du musée), l’établissement met au cœur de ses actions la parité femmes/hommes, de la mise à disposition gratuite de protections hygiéniques à la formation des agents, en passant par une programmation axée sur les artistes femmes.
À la fin du XIXe siècle, le groupe des Nabis (prophètes en hébreu) forme un collectif de jeunes artistes audacieux animés d’une même communauté de pensée et admirative de l’œuvre de Gauguin. L’exposition propose de dévoiler une autre facette du groupe réunissant Sérusier, Denis, Vuillard, Bonnard, Vallotton, Ranson, Lacombe…. en les étudiant par l’intermédiaire de leurs épouses, amantes, mères, belles-mères. Marguerite d’Auchamp, épouse de Mogens Ballin, Lazarine Baudrion, épouse de József Rippl-Rónaï, Maria Boursin, épouse de Pierre Bonnard, Lucie Hessel, amante d’Édouard Vuillard, Laure Lacombe, mère de Georges Lacombe, France Rousseau, épouse de Paul-Élie Ranson, Marthe Meurier, épouse de Maurice Denis, Marie Michaud (Madame Vuillard), mère d’Édouard Vuillard, Marie Vuillard, sœur d’Édouard Vuillard et épouse de Ker-Xavier Roussel, Clotilde et Angélique Narcis, épouse et belle-sœur d’Aristide Maillol, Marguerite Gabriel-Claude, épouse de Paul Sérusier, Marthe et Gabrielle Wenger, épouse et belle-mère de Georges Lacombe, ne sont pas des « Nabies » à proprement parler. Elles gravitent autour du groupe, non comme artistes à part entière, mais bien comme collaboratrices, assistantes, soutiens affectifs, moral et financier. Cette constellation de femmes se veut un point d’entrée pour regarder finement les conditions de réalisation, les logiques d’influences et les processus de création à l’œuvre chez les Nabis
Alors que ces femmes remplissent majoritairement les rôles conventionnels d’hôtesses d’accueil, maîtresses de maison et gardiennes de la vie familiale, certaines se distinguent par leur contribution artistique concrète dans un système où prime toutefois une division sexuée des rôles : aux hommes reviennent l’invention du sujet et son exécution graphique première, aux femmes est confié le tissage. De leur place dans le couple, où la frontière entre compagnes, modèles et assistantes reste ténue, aux rôles dans le foyer, entre travaux d’aiguille et mise en scène de la vie domestique, l’exposition tire le fil de l’intimité dans la création artistique.
Environ 150 oeuvres présentent l’esthétique nabie ouverte au décloisonnement des arts et des médiums (peintures, sculptures, mais aussi photographies, objets d’arts décoratifs, mobiliers et textiles, livres…).
L’exposition a été labellisée d’intérêt national par le ministère de la culture. Ce label a été créé en 1999 pour mettre en valeur et soutenir des expositions remarquables organisées par les musées de France dans les différentes régions. Le label récompense un discours muséal innovant, une approche thématique inédite, une scénographie et un dispositif de médiation ayant pour objectif de toucher des publics très variés.
Avant d’être artistes, les Nabis sont d’abord de bons copains. Ils ont entre 18 et 25 ans en 1888 quand leurs chemins se croisent au Lycée Condorcet puis à l’Académie Julian. Le terme « Nabi », qui signifie prophète en hébreu, tient autant de la blague collégiale que de la nécessité de se fédérer entre hommes. Ensemble, ils débattent, travaillent, s’encouragent… Une dizaine d’années après la création du groupe, le tableau Hommage à Cézanne se situe dans la tradition du portrait collectif d’artistes, en faisant entrer les Nabis dans l’histoire de l’art. L’oeuvre a d’ailleurs fait couler une littérature fleuve, mais qui s’est surtout focalisée sur ce rassemblement d’hommes et d’hommages, infiniment moins sur la discrète présence de la femme à droite : Marthe Denis née Meurier. On suppose que si Maurice Denis n’avait pas cru bon de la représenter, il s’en serait volontiers dispensé. C’est donc que, dans cette scène, Marthe Denis a une place et tient son rang, à mi-chemin entre l’épouse, la médiatrice, le modèle et l’assistante. À travers elle, ce sont ces multiples figures tapies dans l’ombre, à la présence discrète et familière, mais non moins importante, qui nourrissent le fil de cette exposition.
Pour comprendre le rôle des femmes chez les Nabis, il est nécessaire de passer par leur représentation du couple dont les conceptions sont assez variables d’un artiste à l’autre. On y passe de l’adoration « religieuse » de Maurice Denis pour Marthe Meurier, à la relation tumultueuse entre Marie Vuillard, soeur d’Édouard et Ker-Xavier Roussel, jusqu’au lien fusionnel unissant Édouard Vuillard à sa mère Marie Michaud. Partant certainement de leur vécu, ces artistes font aussi du couple un motif multiple, érigeant les femmes en alliées ou en ennemies. L’iconographie est plus uniforme chez Maurice Denis qui, marié à Marthe Meurier pendant 26 ans, extrait de son couple des visions romantiques et sacrées, tandis que les sculpteurs Aristide Maillol et Georges Lacombe s’attachent à montrer l’érotisation des corps nus. Une observation plus perçante des émotions et états d’âme, traversant toute relation sentimentale, se loge finalement dans les épreuves graphiques de Paul Ranson et de Félix Vallotton qui choisissent de mettre en scène les drames de la vie conjugale. Mais quand ce sont elles qui se retrouvent de l’autre côté de l’objectif pour photographier leurs compagnons, la focale se renverse et nous offre une autre perception. Sous leurs regards intimes et anecdotiques, se dévoilent les hommes, les époux et les pères qu’ils sont aussi inévitablement.
Les femmes chez les Nabis occupent une place dédiée, située dans le droit-fil des conventions de l’époque. D’ailleurs, si l’on se fie aux préceptes du groupe qui les bannit solennellement de leurs réunions, la frontière est nette : elles n’ont aucune existence réelle dans le cœur du collectif groupe mais évoluent plutôt à la périphérie. France Rousseau (épouse Ranson), qui accueille les Nabis les samedis après-midi à son domicile du 25 boulevard du Montparnasse, en est certainement l’exemple le plus emblématique. C’est bien en hôtesses d’accueil, maîtresses de maison, gardiennes de la vie familiale que les femmes apparaissent au grand jour. Autour des repas, qu’ils soient servis en intérieur ou au jardin, ce sont elles qui dirigent et veillent au grain. Les regards attentifs, les gestes affectifs, et les corps se courbent pour mieux unir ces mères – biologiques ou de substitution – à leur progéniture. Mais, derrière cet idéal féminin, agissent des femmes au travail dans des compositions qui visent à une forme d’universalité.
Les attitudes d’obéissance et de conformité aux codes sociaux de l’époque transparaissent dans de nombreuses représentations de brodeuses, couseuses et couturières : Marthe Meurier (épouse de Maurice Denis) sorte de muse dont la beauté et l’habileté à réaliser de beaux ouvrages sont exaltées ; Marie Michaud (mère d’Édouard Vuillard) et Marie Vuillard (sœur d’Édouard Vuillard et épouse de Ker-Xavier Roussel) abondamment représentées au cœur d’activités économiques familiales qui s’activent assidûment ; France Ranson (épouse de Paul Ranson) qui œuvre en coulisse pour réaliser des costumes de théâtre pour les Nabis. On retrouve aussi Lazarine Baudrion (épouse de Jozsef Rippl-Ronai) et Laure Bonnamour (mère de Georges Lacombe) dans ces représentations montrant que la couture peut aussi servir une autre forme – féminine ? – d’écriture de soi.
Passant du fil à coudre à l’aiguille à tapisser, les artistes et leurs femmes se sont attachés à créer des œuvres décoratives monumentales. Parmi les Nabis plus directement concernés, on compte Ranson, Rippl-Rónai et Maillol qui, chacun à leur manière, expérimentent l’art textile. Leur contribution élégante à l’effort esthétique de la fin du XIXe siècle participe à introniser les Nabis en défenseurs modernes des arts décoratifs et de la décoration murale. Les motifs de femmes aux jardins, agrippées aux branches des arbres ou tenant une fleur, souligne le lien organique entre la nature et le féminin. Mais cette vision idyllique ne doit pas dissimuler une économie du travail basée sur des principes précis avec, en premier lieu, une division sexuée des rôles : aux hommes reviennent la création du sujet et l’exécution première en dessin ou en peinture, aux femmes est confié le tissage. Ce processus passe par plusieurs étapes qui, au regard des travaux préparatoires, révèle une évolution certaine entre le motif de départ et l’œuvre aboutie.
Des salons aux ateliers (Ateliers Martine), en passant par les académies d’enseignement (Académie Ranson) et la villégiature, les lieux sont porteurs de sens pour mieux comprendre les milieux nabis, et les places plus ou moins modulables que chacun et chacune est à même d’occuper. Au sein de compositions souvent promptes à tordre les perspectives, à tronquer les cadrages et à jouer des éclairages, espaces intérieurs et intériorité de l’âme se retrouvent dans leurs œuvres étroitement liées. Comme une manière de boucler la boucle, cette dernière section attire l’attention sur les influences directes et indirectes que les femmes ont pu avoir sur le devenir des Nabis. On pense en premier lieu aux mères, et aussi à certaines compagnes dont l’empreinte ne doit pas être sous-estimée : Gabrielle Bernheim pour Félix Vallotton, Lucie Hessel pour Édouard Vuillard, Marthe et Gabrielle Wenger pour Georges Lacombe. Ces quelques noms resserrent un nœud autour de femmes qui agissent en médiatrices et commanditaires, c’est-à-dire qui ne pratiquent pas directement l’art, mais qui contribuent par leurs réseaux et leur capital social à agir dans l’ombre pour rendre visibles d’autres qu’elles, construire des réputations et promouvoir des carrières. D’ailleurs, le fil rouge de la couture poursuit son déroulé, tout en soulignant que cette activité n’a pas la même valeur pour toutes et qu’elle peut aussi être un marqueur social pour des femmes issues de milieux privilégiés.