Exposition passée

From Saturday, June 22, to Sunday, November 03, 2024 10:00 AM / 06:00 PM

Useful information

Entry fee standard : 8 € / concession : 6 €.
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Découvrez le teaser

En quelques minutes, plongez-vous dans l'univers de l'exposition !

De quoi parle l’exposition ?

Exposition d’intérêt national, avec le partenariat exceptionnel du musée d’Orsay.

Le Musée de Pont-Aven est engagé depuis quelques années déjà dans une démarche de valorisation de la place des femmes dans l’histoire de l’art. Défini comme un « musée citoyen » dans le projet de territoire de Concarneau Cornouaille Agglomération (tutelle du musée), l’établissement met au cœur de ses actions la parité femmes/hommes, de la mise à disposition gratuite de protections hygiéniques à la formation des agents, en passant par une programmation axée sur les artistes femmes.

À la fin du XIXe siècle, le groupe des Nabis (prophètes en hébreu) forme un collectif de jeunes artistes audacieux animés d’une même communauté de pensée et admirative de l’œuvre de Gauguin. L’exposition propose de dévoiler une autre facette du groupe réunissant Sérusier, Denis, Vuillard, Bonnard, Vallotton, Ranson, Lacombe…. en les étudiant par l’intermédiaire de leurs épouses, amantes, mères, belles-mères. Marguerite d’Auchamp, épouse de Mogens Ballin, Lazarine Baudrion, épouse de József Rippl-Rónaï, Maria Boursin, épouse de Pierre Bonnard, Lucie Hessel, amante d’Édouard Vuillard, Laure Lacombe, mère de Georges Lacombe, France Rousseau, épouse de Paul-Élie Ranson, Marthe Meurier, épouse de Maurice Denis, Marie Michaud (Madame Vuillard), mère d’Édouard Vuillard, Marie Vuillard, sœur d’Édouard Vuillard et épouse de Ker-Xavier Roussel, Clotilde et Angélique Narcis, épouse et belle-sœur d’Aristide Maillol, Marguerite Gabriel-Claude, épouse de Paul Sérusier, Marthe et Gabrielle Wenger, épouse et belle-mère de Georges Lacombe, ne sont pas des « Nabies » à proprement parler. Elles gravitent autour du groupe, non comme artistes à part entière, mais bien comme collaboratrices, assistantes, soutiens affectifs, moral et financier. Cette constellation de femmes se veut un point d’entrée pour regarder finement les conditions de réalisation, les logiques d’influences et les processus de création à l’œuvre chez les Nabis

Alors que ces femmes remplissent majoritairement les rôles conventionnels d’hôtesses d’accueil, maîtresses de maison et gardiennes de la vie familiale, certaines se distinguent par leur contribution artistique concrète dans un système où prime toutefois une division sexuée des rôles : aux hommes reviennent l’invention du sujet et son exécution graphique première, aux femmes est confié le tissage. De leur place dans le couple, où la frontière entre compagnes, modèles et assistantes reste ténue, aux rôles dans le foyer, entre travaux d’aiguille et mise en scène de la vie domestique, l’exposition tire le fil de l’intimité dans la création artistique.

Environ 150 oeuvres présentent l’esthétique nabie ouverte au décloisonnement des arts et des médiums (peintures, sculptures, mais aussi photographies, objets d’arts décoratifs, mobiliers et textiles, livres…).

L’exposition a été labellisée d’intérêt national par le ministère de la culture. Ce label a été créé en 1999 pour mettre en valeur et soutenir des expositions remarquables organisées par les musées de France dans les différentes régions. Le label récompense un discours muséal innovant, une approche thématique inédite, une scénographie et un dispositif de médiation ayant pour objectif de toucher des publics très variés.

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Parcours de l’exposition

UN GROUPE D’HOMMES

Avant d’être artistes, les Nabis sont d’abord de bons copains. Ils ont entre 18 et 25 ans en 1888 quand leurs chemins se croisent au Lycée Condorcet puis à l’Académie Julian. Le terme « Nabi », qui signifie prophète en hébreu, tient autant de la blague collégiale que de la nécessité de se fédérer entre hommes. Ensemble, ils débattent, travaillent, s’encouragent… Une dizaine d’années après la création du groupe, le tableau Hommage à Cézanne se situe dans la tradition du portrait collectif d’artistes, en faisant entrer les Nabis dans l’histoire de l’art. L’oeuvre a d’ailleurs fait couler une littérature fleuve, mais qui s’est surtout focalisée sur ce rassemblement d’hommes et d’hommages, infiniment moins sur la discrète présence de la femme à droite : Marthe Denis née Meurier. On suppose que si Maurice Denis n’avait pas cru bon de la représenter, il s’en serait volontiers dispensé. C’est donc que, dans cette scène, Marthe Denis a une place et tient son rang, à mi-chemin entre l’épouse, la médiatrice, le modèle et l’assistante. À travers elle, ce sont ces multiples figures tapies dans l’ombre, à la présence discrète et familière, mais non moins importante, qui nourrissent le fil de cette exposition.

 

SE LIER

Pour comprendre le rôle des femmes chez les Nabis, il est nécessaire de passer par leur représentation du couple dont les conceptions sont assez variables d’un artiste à l’autre. On y passe de l’adoration « religieuse » de Maurice Denis pour Marthe Meurier, à la relation tumultueuse entre Marie Vuillard, soeur d’Édouard et Ker-Xavier Roussel, jusqu’au lien fusionnel unissant Édouard Vuillard à sa mère Marie Michaud. Partant certainement de leur vécu, ces artistes font aussi du couple un motif multiple, érigeant les femmes en alliées ou en ennemies. L’iconographie est plus uniforme chez Maurice Denis qui, marié à Marthe Meurier pendant 26 ans, extrait de son couple des visions romantiques et sacrées, tandis que les sculpteurs Aristide Maillol et Georges Lacombe s’attachent à montrer l’érotisation des corps nus. Une observation plus perçante des émotions et états d’âme, traversant toute relation sentimentale, se loge finalement dans les épreuves graphiques de Paul Ranson et de Félix Vallotton qui choisissent de mettre en scène les drames de la vie conjugale. Mais quand ce sont elles qui se retrouvent de l’autre côté de l’objectif pour photographier leurs compagnons, la focale se renverse et nous offre une autre perception. Sous leurs regards intimes et anecdotiques, se dévoilent les hommes, les époux et les pères qu’ils sont aussi inévitablement.

 

PORT D’ATTACHE

Les femmes chez les Nabis occupent une place dédiée, située dans le droit-fil des conventions de l’époque. D’ailleurs, si l’on se fie aux préceptes du groupe qui les bannit solennellement de leurs réunions, la frontière est nette : elles n’ont aucune existence réelle dans le cœur du collectif groupe mais évoluent plutôt à la périphérie. France Rousseau (épouse Ranson), qui accueille les Nabis les samedis après-midi à son domicile du 25 boulevard du Montparnasse, en est certainement l’exemple le plus emblématique. C’est bien en hôtesses d’accueil, maîtresses de maison, gardiennes de la vie familiale que les femmes apparaissent au grand jour. Autour des repas, qu’ils soient servis en intérieur ou au jardin, ce sont elles qui dirigent et veillent au grain. Les regards attentifs, les gestes affectifs, et les corps se courbent pour mieux unir ces mères – biologiques ou de substitution – à leur progéniture. Mais, derrière cet idéal féminin, agissent des femmes au travail dans des compositions qui visent à une forme d’universalité.

 

FILER DOUX

Les attitudes d’obéissance et de conformité aux codes sociaux de l’époque transparaissent dans de nombreuses représentations de brodeuses, couseuses et couturières : Marthe Meurier (épouse de Maurice Denis) sorte de muse dont la beauté et l’habileté à réaliser de beaux ouvrages sont exaltées ; Marie Michaud (mère d’Édouard Vuillard) et Marie Vuillard (sœur d’Édouard Vuillard et épouse de Ker-Xavier Roussel) abondamment représentées au cœur d’activités économiques familiales qui s’activent assidûment ; France Ranson (épouse de Paul Ranson) qui œuvre en coulisse pour réaliser des costumes de théâtre pour les Nabis. On retrouve aussi Lazarine Baudrion (épouse de Jozsef Rippl-Ronai) et Laure Bonnamour (mère de Georges Lacombe) dans ces représentations montrant que la couture peut aussi servir une autre forme – féminine ? – d’écriture de soi.

 

FAIRE TAPISSERIE

Passant du fil à coudre à l’aiguille à tapisser, les artistes et leurs femmes se sont attachés à créer des œuvres décoratives monumentales. Parmi les Nabis plus directement concernés, on compte Ranson, Rippl-Rónai et Maillol qui, chacun à leur manière, expérimentent l’art textile. Leur contribution élégante à l’effort esthétique de la fin du XIXe siècle participe à introniser les Nabis en défenseurs modernes des arts décoratifs et de la décoration murale. Les motifs de femmes aux jardins, agrippées aux branches des arbres ou tenant une fleur, souligne le lien organique entre la nature et le féminin. Mais cette vision idyllique ne doit pas dissimuler une économie du travail basée sur des principes précis avec, en premier lieu, une division sexuée des rôles : aux hommes reviennent la création du sujet et l’exécution première en dessin ou en peinture, aux femmes est confié le tissage. Ce processus passe par plusieurs étapes qui, au regard des travaux préparatoires, révèle une évolution certaine entre le motif de départ et l’œuvre aboutie.

 

AU FIL DES LIEUX

Des salons aux ateliers (Ateliers Martine), en passant par les académies d’enseignement (Académie Ranson) et la villégiature, les lieux sont porteurs de sens pour mieux comprendre les milieux nabis, et les places plus ou moins modulables que chacun et chacune est à même d’occuper. Au sein de compositions souvent promptes à tordre les perspectives, à tronquer les cadrages et à jouer des éclairages, espaces intérieurs et intériorité de l’âme se retrouvent dans leurs œuvres étroitement liées. Comme une manière de boucler la boucle, cette dernière section attire l’attention sur les influences directes et indirectes que les femmes ont pu avoir sur le devenir des Nabis. On pense en premier lieu aux mères, et aussi à certaines compagnes dont l’empreinte ne doit pas être sous-estimée : Gabrielle Bernheim pour Félix Vallotton, Lucie Hessel pour Édouard Vuillard, Marthe et Gabrielle Wenger pour Georges Lacombe. Ces quelques noms resserrent un nœud autour de femmes qui agissent en médiatrices et commanditaires, c’est-à-dire qui ne pratiquent pas directement l’art, mais qui contribuent par leurs réseaux et leur capital social à agir dans l’ombre pour rendre visibles d’autres qu’elles, construire des réputations et promouvoir des carrières. D’ailleurs, le fil rouge de la couture poursuit son déroulé, tout en soulignant que cette activité n’a pas la même valeur pour toutes et qu’elle peut aussi être un marqueur social pour des femmes issues de milieux privilégiés.

Focus on some works

Focus sur quelques œuvres

Paul SÉRUSIER, Les Parques ou La Tapisserie

En comparaison avec le tableau Le Tisserand, cette œuvre de Sérusier montre qu’en une trentaine d’années, une différence notable s’établit dans la manière dont hommes et femmes occupent les lieux du tissage. Alors que le tisserand travaille seul dans un vrai lieu qui, bien que modeste, s’organise autour d’une imposante machine à tisser, les femmes s’inscrivent plus volontiers dans des paysages, voire des lieux abstraits. Dans Les Parques ou La Tapisserie, cinq femmes au regard vide font écho aux cinq branches des étoiles qui les entourent. À travers elles, Sérusier poursuit un idéal : il quitte le réalisme des débuts pour s’aventurer du côté d’une abstraction spirituelle et géométrique puisant dans la peinture des Primitifs italiens et les théories chromatiques de l’École de Beuron, que l’artiste promeut au début du XXe siècle. Paul SÉRUSIER, Les Parques ou La Tapisserie, 1924, Huile sur toile, 130 x 81,5 cm, Paris, Petit Palais

Maurice DENIS, Les Muses

Ce Bois sacré a surtout été regardé comme un hymne à l’amour de Maurice Denis envers sa fiancée Marthe Meurier, celle qui rend possible de concilier l’art et la vie, l’esprit et la chair, l’idée et la forme. À travers la répétition de sa silhouette, Maurice Denis signe un panneau décoratif où des muses portant des robes aux imprimés modernes évoluent dans un sous-bois parsemé d’arbres rectilignes et de feuillages stylisés. D’ailleurs, celle dominant le premier plan, assise avec un cahier sur les genoux en train de tailler son crayon en bois, évoque la Marthe artiste des débuts, et avec elle toutes celles qui peuplent au même moment le domaine très féminisé des arts décoratifs et appliqués. Maurice DENIS, Les Muses, 1893, Huile sur toile, 171 x 137,5 cm, Paris, musée d’Orsay

Pierre BONNARD, Le Déjeuner sous la lampe

Bonnard se révèle très tôt un observateur attentif de la vie familiale. Il met cette intimité en scène avec humour et tendresse. L’éclairage diffusé par une lampe suspendue, plus grande que nature, joue ici un rôle essentiel dans la mise en page et l’atmosphère de ce déjeuner réunissant la mère et les neveux de l’artiste. Elle découpe la scène en zones contrastées, avec la table du déjeuner vivement éclairée et les personnages dans l’obscurité. Les profils de ces derniers se découpent en ombres chinoises au premier plan du tableau. Cet aplatissement des volumes est caractéristique de la période nabie de Bonnard. Pierre BONNARD, Le Déjeuner sous la lampe, 1898, Huile sur bois, 23,3 x 31,8 cm, Paris, musée d’Orsay

József RIPPL-RÓNAI et Lazarine BAUDRION, Femme à la robe rouge, 1898, Tapisserie à l’aiguille brodée par Lazarine Baudrion d’après les cartons de József Rippl-Rónai, Laine sur canevas, 230 x 125 cm, Budapest, musée des arts appliqués

Proche par son sujet, non par son coloris ni sa technique au point plat plus resserré, du Jardin enchanté de son ami Maillol, l’élégante Femme à la robe rouge illustre l’adhésion du « Nabi hongrois » aux principes décoratifs du groupe dans leur souhait de combler au maximum les vides. En même temps l’utilisation de couleurs chatoyantes est plus assumée et l’art populaire hongrois n’est pas loin. La tapisserie était d’ailleurs destinée à orner une salle à manger dont l’aménagement avait été entièrement commandé par le comte et la comtesse Andrássy qui désiraient ériger leur château en vitrine authentique de l’Art nouveau hongrois. Au sein de cette œuvre de synthèse, la tapisserie des Rippl-Rónai voisinait avec du mobilier d’Endre Thèk, des céramiques de la manufacture Zsolnay, des vitraux de Miksa Roth et de la verrerie de Wiesbaden.

Paul et France RANSON, Printemps ou Femmes sous les arbres en fleur, 1895, Tapisserie à l’aiguille et laine sur canevas, 167 x 132 cm, Paris, musée d’Orsay

Uniquement monogrammée « PR », cette tapisserie est en réalité le fruit d’une réalisation à deux mains : celle de Paul Ranson, qui en a pensé et dessiné le sujet, et de son épouse France qui s’est chargée de l’exécution finale. Le titre nous indique une allégorie du printemps, saison où tout (re)commence. Mettant en scène trois femmes dans un jardin, ou peut-être une forêt comme les appréciait Paul Ranson, l’œuvre se structure autour de branches dont la ligne coup de fouet est typique de l’Art nouveau. Les couleurs modulées, choisies peut-être par France, marquent une succession de trois plans : une femme assise pouvant signifier les racines, une autre debout révélant le plein épanouissement, la dernière au fond regardant le ciel pour évoquer la disparition.